Depuis quelques années, j’observe la montée en flèche d’une nouvelle injonction dans nos assiettes : manger plus de protéines. Les protéines seraient la voie pour un corps en santé, et pour maigrir. Sur les réseaux sociaux, les recettes virales sont toutes indiquées comme « protéinées », on voit même fleurir des recettes de collations pour enfant protéinées. Sous mes vidéos, on me dit « pas assez de protéines », « où sont les protéines ».
Et dans les supermarchés, on voit arriver tout un tas de produits ultra protéinés censés nous simplifier la vie face à cette nouvelle crainte : vais-je manquer de protéines ?
Ce discours, d’abord réservé aux athlètes et grands sportifs, s’est peu à peu mis à concerner tout le monde. Peu importe notre mode de vie, on nous informe qu’il faudrait maintenant manger plus de protéines que jamais. La quantité exacte varie, je vois maintenant souvent 2 à 2,5 g par kilo de poids de corps être la recommandation prédominante sur les réseaux sociaux. Soit 120 à 150 g de protéines pour une personne de 60 kilos.
Cela ne correspond pas au consensus scientifique.
Pour bien comprendre l’objet de cet article, je ne critique pas l’existence de recettes ou de produits protéinés. Ils répondent à un besoin précis. Mais je questionne la croyance nouvelle selon laquelle nous aurions tous besoin d’augmenter notre apport en protéines pour se porter mieux. Et surtout, je m’interroge, à qui profite ce marketing ?
Mais alors, d’où cette obsession vient-elle ?
Depuis une quinzaine d’années, le sport s’est fait une place plus importante dans le quotidien de monsieur et madame tout le monde. La musculation, surtout, s’est démocratisée. Elle a perdu son image de sport très masculin, réservé à quelques bodybuilders. On a normalisé le fait d’avoir des objectifs sportifs, de s’entraîner pour un marathon ou de vouloir atteindre une apparence physique sportive. Et il n’y a rien de mal à ça, le sport fait partie des clés pour un mode de vie bon pour le corps et l’esprit.
Mais c’est aussi un marché énorme pour les entreprises : équipements, abonnements, et alimentation pour sportifs, les marques ont tout intérêt à élargir leur marché en visant tout le monde. Et donc, elles ont tout intérêt à nous faire croire que les aliments protéinés sont indispensables ! Ces produits qui étaient utiles aux athlètes ou en moment de prise de masse ou de guérison par exemple, s’infiltrent maintenant dans le quotidien de tous les consommateurs. Mais, spoiler alert : pratiquer trois ou quatre heures de sport par semaine ne fait pas de nous un athlète, et la plupart d’entre nous n’a pas besoin d’un régime enrichi en protéines.
Chez les consommateurs, cette obsession est entretenue par la diabolisation des glucides. Les glucides ont mauvaise réputation depuis des années à cause d’un amalgame entre le sucre, les glucides simples et les glucides complexes (mais ça pourrait être le sujet d’un autre article). Donc si on ne peut pas manger beaucoup de glucides et qu’on ne doit pas manger des lipides en excès… qu’est-ce qu’il reste ? Des protéines.
Augmenter notre apport en protéines, au début, peut faire accélérer le métabolisme et perdre quelques kilos. Au début ! Kilos que l’on reprendra par la suite quand notre métabolisme sera stabilisé. C’est la base des régimes « miracles » pauvres en glucides comme le régime Dukan, ou Kéto, très restrictifs.
Comment cette obsession modifie-t-elle nos comportements ?
Quoi qu’il en soit, ce marketing fait son chemin et modifie les habitudes de consommation. Toutes les marques s’y mettent et on voit fleurir des gros « 10 g de protéines par portion » sur les paquets de pistaches…
Parce que, oui, souvent ces mentions « protéiné » ne font pas que le produit est différent. Les pistaches ont toujours contenues 20 g de protéines par 100 g, ça n’a pas changé. Le yaourt ultra protéiné HiPro ne contient pas plus de protéines que les petits Suisses. Et ça ne rend pas non plus l’aliment meilleur pour la santé : un cookie protéiné reste un cookie.
Comme je l’entends souvent, « on ne sait plus quoi manger ». Entre les glucides diabolisés, la peur des graisses, les aliments réputés inflammatoires et surtout le manque d’enseignement en nutrition pendant le cursus scolaire général, on est perdus. Et les aliments protidiques sont peut-être les moins décriés, alors c’est une « valeur sûre ».
C’est comme ça que j’ai vu apparaître partout des recettes de fondants au chocolat protéinés en deux ingrédients (oeufs + chocolat… dans mon vocabulaire, c’est une omelette), des muffins protéinés pour les enfants, des « high protein - low calories meal plan » (comprendre ici un planning de repas riches en protéines et faibles en calories…).
L’obsession est partout.
Et elle entraîne, selon moi, un recul du végétalisme. Là où, il y a quelques années, les recettes « trendy » étaient plutôt végétales, les pancakes véganes à la banane cartonnaient, les lasagnes aux légumes avaient la côte… on voit aujourd’hui que ces plats sont jugés « sans protéines » et ont laissé leur place à des pancakes au skyr, au cottage cheese et aux oeufs. Le végétalisme a toujours eu une fausse image d’alimentation faible en protéines. Donc la montée de cette obsession est un frein pour la cause animale.
Mais donc, quelle quantité de protéines est adéquate ?
Le consensus scientifique tend à dire qu’il est obsolète de vouloir répartir un certain pourcentage de glucides, lipides et protéines par jour, encore moins par assiette. L’équilibre ne se fait pas sur si peu de temps. Mais, jusqu’à récemment, la recommandation classique, pour une personne type, était 12 à 20% des calories de notre journée représentés par les protéines ; 45 à 60% par les glucides ; et 25 à 30 % par les lipides.
Ça ne veut pas dire que vous devez compter vos calories pour être en santé ! Une alimentation intuitive est, pour la plupart d’entre nous, la meilleure façon de manger varié et équilibré quand on a des bases de nutrition. Je vous recommande donc simplement d’avoir des notions de comment se composent les aliments et quels sont les rôles des différents nutriments. Avoir étudié la nutrition dans le passé a grandement contribué à ma transition végane en toute simplicité.
Et surtout, je vous recommande de vous déstresser avec ça. L’équilibre en apports nutritionnels ne se fait pas sur une seule journée. Vous n’avez pas besoin de cocher toutes les cases chaque jour ! Et la carence en protéine est extrêmement rare quand on mange varié et à sa faim.
Et où trouver des protéines végétales ?
Quand je travaillais dans des cafés véganes, on nous demandait souvent à la caisse « mais c’est quoi la protéine dans ce plat ? ». Et la personne ne demandait pas la liste des acides aminés contenus dans la recette, mais quel aliment protidique représentait « LA protéine ».
Parce que, selon une croyance populaire, les protéines ne se trouvent que dans une liste d’aliments étiquetés comme tel : le tofu, les légumineuses, la viande, le poisson, les oeufs et les produits laitiers. Mais, en fait, les protéines sont un peu partout. Finalement, notre assiette de lasagnes aux légumes apporte aussi des protéines. Comme un peu tout : les farines, les céréales, les noix et graines, même les légumes. Surtout qu’on ne mange pas la même chose chaque jour. Donc, encore une fois, l’équilibre se fera.
D’ailleurs, manger une assiette de pâtes à la sauce tomate, un gratin de chou-fleur ou des nouilles aux légumes, ça a toujours fait partie de l’alimentation de plein de cultures. Le régime méditerranéen, par exemple, se compose assez souvent de plats autour du blé et des légumes. Et il fait partie des meilleurs au monde par sa diversité et ses apports en nutriments.
Si, toutefois, vous ressentez que vous n’avez pas les clés pour manger instinctivement varié, voici les sources végétales de protéines les plus efficaces à intégrer dans ses menus : toutes les légumineuses (haricots noirs, rouges, blancs, pois chiches, lentilles, edamame, lupin…), le soja déjà apprêté (comme le tofu, le tempeh, le lait de soja, les tofus aromatisés aussi) les noix et graines (noix de Grenoble, amandes, pistaches, noisettes, macadamia, cacahuètes, graines de chia, de lin, de citrouille, de tournesol… entières ou en beurre comme le beurre d’arachide, en lait végétal etc) et les céréales (blé, sarrasin, millet, orge, riz…), notamment le quinoa qui contient tous les acides aminés essentiels (c’est-à-dire tous ceux qu’on ne peut pas synthétiser dans notre corps).
Pour aller plus loin
- S’informer soi-même sur la nutrition. Nous avons énormément de croyances autour de l’alimentation. Donc je vous recommande de ne pas croire les on-dit des réseaux sociaux et de votre entourage, mais plutôt d’essayer de comprendre de quoi notre métabolisme a besoin.
- Envisager une consultation avec un.e nutritionniste si vous estimez que votre alimentation ne comble pas les besoins de votre corps ou que vous pourriez développer des troubles du comportement alimentaire.