Il y a quatre ans, j'ai ouvert un petit café végane à Montréal, Muscade, avec mes associées Lola et Melyssa. Et avant-hier, j'ai annoncé qu'on le vendait.
J'ai assez peu parlé de Muscade sur le blog, beaucoup plus en stories sur Instagram car ça a été mon quotidien pendant ces quatre années. J'ai passé mes journées de travail en cuisine, à préparer pâtisseries, sandwichs, plats, produits d'épicerie et autres gourmandises maison. C'était épanouissant, sur cet aspect-là. Mais beaucoup moins sur d'autres aspects et c'est pour ça que j'ai envie de changement.
On a ouvert 3 mois avant la pandémie, le 7 décembre 2019. On a jamais connu de moment "normal", si ça existe. Chaque année, on a dû prendre des décisions pour réinventer notre entreprise et faire face. Ce n'était pas des mauvaises décisions, car elles nous ont permises d'avoir une entreprise quand même un peu rentable et qui attirait toujours plus de client-es. Mais je ne suis pas faite pour ça. Ce n'est pas moi.
À force de devoir croître pour s'adapter à la demande, on a agrandi la surface, pris un deuxième local, et embauché des collègues. Muscade est devenue trop "gros" pour moi, même si ça reste un petit commerce.
J'ai découvert que je n'aime tout simplement pas être responsable d'une équipe, d'employé-es. On a eu une équipe incroyable, on a toujours eu beaucoup de chance là-dessus, mais cette responsabilité là me pesait.
Et pour tout dire, j'avais du mal à comprendre mon ressenti, je ne me sentais pas légitime. Je répétais souvent "mais pourquoi je me sens comme ça alors que rien n'est grave ?".
C'est vrai, on a pas de dette à la banque, je vais pas finir sans rien, j'ai du temps pour travailler sur Patate & Cornichon, je ne travaillais que 4 jours par semaine à Muscade la plupart du temps et j'adore mon travail, je suis si bien entourée. "Je ne veux pas me plaindre, RIEN N'EST GRAVE".
Mais j'ai compris que c'était pas ça le fond du problème. Le problème c'est que Muscade existe, que Muscade soit ouvert 7 jours sur 7, c'est que l'équipe se sente bien, que les client-es soient content-es, aient du choix, que les équipements fonctionnent, que les paiements soient faits, que les fournisseurs livrent bien ce qu'on a commandé, qu'on ait pas des invendus... que tout roule en fait. Et il y a des moments où tout roule, et des moments où ça va mal.
Et un entrepreneur vit au rythme de ces aléas, et je ne veux plus vivre au rythme des aléas, donc je veux changer de métier :)
Ma vision de départ, c'était de rester petit. Juste le premier local sans agrandir, moi en cuisine, mes associées en baristas, c'est tout. Peu de charges, quitte à fermer quelques jours par semaine pour se reposer. Je ne suis pas la personne idéale pour faire grandir une entreprise et prendre des risques financiers. Je suis contente de le savoir aujourd'hui, c'est bien de connaître ses limites.
Muscade est racheté par l'entreprise Cocooning Love, qui est une marque de cosmétiques véganes faits dans le même quartier. Ça va rester un café végane en plus d'une boutique pour leurs cosmétiques.
La fondatrice, Carole, avec qui j'ai eu l'occasion de faire plusieurs meetings dans le processus de vente et que j'apprécie beaucoup est une entrepreneuse très inspirante. J'aurais aimé être aussi endurante en affaires, mais ce n'est pas le cas, et c'est pas grave !
Par message sur instagram, vous avez été plusieurs à me dire que vous avez aussi un café ou un restaurant et que vous vous questionnez sur le fait de le vendre ou non. Je ne peux que donner mon ressenti sur ma réalité qui est sûrement différente de la votre mais je sais que je n'aurais aucun regret d'avoir vendu Muscade. C'est une expérience professionnelle géniale mais difficile que j'ai envie d'arrêter pour faire autre chose, donc c'est sain et c'est un grand privilège de pouvoir arrêter quand je le souhaite.
Pour finir, je vais répondre aux questions que j'ai le plus eues :
- mes projets futurs : j'ai envie de déménager à la campagne si je peux, avec mon amoureux ! On a très hâte ! Peut-être écrire un tome 2 de mon livre "les bonnes choses"... ralentir un peu aussi.
- est-ce que je suis fâchée avec mes associées 😅 j'ai été étonnée de recevoir plusieurs fois cette question, mais non pas du tout ! Pourquoi on serait fâchées ? On s'aime tellement. Quand on a une dispute, c'est sur un sujet précis et ça dure 20 minutes, après on s'excuse et on se parle. On a surtout hâte de se voir en dehors d'un contexte de travail.
- est-ce que vous pourrez continuer à commander mes gâteaux ? Non, je n'aurais plus de local et j'aimerais changer de vie donc je ne souhaite pas continuer les gâteaux sur commande, peut-être dans le futur à la campagne mais c'est pas un projet, pareil pour les cours de cuisine. Mais je vous remercie tellement pour ce soutien, c'est trop gentil !
- est-ce que j'ai des regrets ? C'est plus un léger sentiment d'inachevé, sur des détails que je n'ai pas réussi à accomplir, repeindre la façade dans nos couleurs, organiser des brunchs, proposer un choix de pâtisseries plus large... Mais ce n'est pas du regret !
La dernière journée pour venir me voir à Muscade c'est le 30 septembre prochain. Vous avez été nombreux-ses à venir me voir grâce au fait que vous suivez ce blog, et je suis infiniment reconnaissante pour ça ! On a souvent eu de la visite de France, j'ai parfois signé des autographes dans mon livre pour vous... alors merci merci merci.